Observations et recommandations au terme des Journées d’études sur l’accès et la découvrabilité des contenus culturels francophones sur Internet

Montréal, le 24 octobre 2019

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), sur une proposition du Comité d’orientation de son dispositif d’observation des dynamiques culturelles et linguistiques, a tenu conjointement avec l’Université du Québec à Montréal (UQAM) des journées d’étude internationales, afin de mettre en lumière les opportunités, les pratiques, les modèles d’affaires émergents ainsi que les nouveaux enjeux et défis en lien avec la découvrabilité et l’accès aux contenus culturels francophones à l’ère numérique. Au terme de ces journées d’étude sur l’accès et la découvrabilité des contenus culturels francophones à l’ère numérique, les participants réunissant des experts, des professionnels des industries culturelles, des représentants gouvernementaux et des chercheurs universitaires provenant de différents pays francophones, ont partagé les observations suivantes :

  • Les pays de l’espace francophone disposent d’une riche diversité de ressources, de talents créatifs, de contenus et d’expressions culturelles et artistiques qui semblent cependant peu présents, visibles et accessibles sur Internet.
  • Malgré la démocratisation des nouvelles technologies qui permet, aujourd’hui, aux acteurs des industries créatives et culturelles de créer, de produire et de mettre en ligne plus facilement leurs œuvres, ces acteurs restent néanmoins confrontés au défi de la découvrabilité et de l’accessibilité de leurs produits par les publics potentiels.
  • La « Découvrabilité » englobe à la fois les besoins de repérabilité (par les moteurs de recherche, engins d’indexation et outils de référencement), de disponibilité (capacité à développer une offre adéquate, la mettre à disposition et en assurer l’accessibilité au plus grand nombre), et de recommandation (mise en valeur et promotion de la visibilité) des contenus culturels francophones.
  • Les choix et habitudes de consommation culturelle en ligne (en particulier l’écoute ou le visionnement de contenus musicaux et audiovisuels) sont de plus en plus influencés par les logiques prescriptives des algorithmes, qui favorisent la découverte de certains types de contenus au détriment d’autres, compte tenu d’impératifs commerciaux et de logiques éditoriales configurant des profils types d’usager.
  • Les technologies numériques révolutionnent les modes de production, d’accès, de diffusion, de distribution et de consommation en ligne de produits et de contenus culturels ; il est alors légitime de s’interroger sur les pratiques et les stratégies, mais aussi sur les politiques et mesures gouvernementales qui doivent favoriser la découvrabilité des contenus francophones.
 

À LA SUITE DE CES OBSERVATIONS, LES PARTICIPANTS ONT FAIT LES RECOMMANDATIONS SUIVANTES :

  • AUX ÉTATS ET GOUVERNEMENTS MEMBRES DE LA FRANCOPHONIE

Veiller pleinement à préserver leur souveraineté culturelle en favorisant l’adoption de politiques de soutien aux industries culturelles nationales et locales et de mesures efficaces de promotion et de protection de la diversité des expressions culturelles francophones, en mobilisant à la fois les directives opérationnelles de mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO de 2005 dans l’environnement numérique et la Stratégie de la Francophonie numérique Horizon 2020 « Agir pour la diversité dans la société de l’information».

  1. Encourager la mise en place de leviers institutionnels et réglementaires dans le but d’amener les plateformes internationales de diffusion culturelle et les fournisseurs d’accès à Internet à contribuer pleinement au financement des productions locales et nationales ainsi qu‘à favoriser effectivement la disponibilité, l’accessibilité, la visibilité et la recommandation de produits culturels locaux et nationaux dans leur catalogue.
  2. Soutenir la création et le développement des infrastructures numériques et culturelles (incluant les plateformes alternatives) aux niveaux local, national et régional, afin qu’elles soient adaptées aux besoins des acteurs des différents secteurs culturels et qu’elles puissent garantir l’accès, au plus grand nombre, des biens et des services culturels sous toutes leurs formes.
  3. Légiférer afin d’obliger les opérateurs de réseaux, les équipementiers et les fournisseurs/diffuseurs/distributeurs de contenus à respecter la transparence dans l’exploitation et l’utilisation des données d’usage des utilisateurs, notamment en rendant les données d’intérêt et d’utilité publique disponibles et accessibles aux acteurs, aux chercheurs et aux décideurs publics, tout en se conformant aux lois et règlements en matière de protection des données personnelles et de la vie privée.
  4. Assurer un développement responsable et éthique de l’intelligence artificielle au service de la diversité culturelle francophone en ligne et préserver le principe de neutralité du Net.
  5. Soutenir la recherche dans le domaine de la découvrabilité des contenus francophones et la mobiliser dans la mise en œuvre des politiques publiques, en se dotant notamment d’outils de mesure et de dispositifs de collecte et d’analyse de données destinés à produire des statistiques fiables et cohérentes sur les industries culturelles à l’ère numérique.
 
  • AUX INDUSTRIELS, OPÉRATEURS ET ACTEURS PRIVÉS (en particulier ceux opérant dans le secteur du numérique et des technologies)
  1. Contribuer à un meilleur équilibre des flux d’échanges de biens et de services culturels dans l’environnement numérique, en favorisant davantage l’accessibilité, la visibilité et le rayonnement des produits et contenus francophones (musique, films, séries, livres).
  2. Développer des initiatives visant à accroître le partage des données, la transparence et la prise en compte de la diversité dans leurs critères de sélection, de classement et de recommandation des contenus culturels.
  3. Valoriser le travail des créateurs et des artistes francophones, grâce à une rémunération juste et équitable de leurs oeuvres exploitées en ligne ainsi que le respect de leur propriété intellectuelle, particulièrement dans l’environnement numérique.
 
  • AUX ACTEURS ET AUX ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
  1. Prendre conscience des enjeux de promotion et de protection de la diversité des expressions culturelles, en particulier dans l’environnement numérique.
  2. Se mobiliser et sensibiliser les publics sur les enjeux, défis et bonnes pratiques en matière de découvrabilité.
  3. Renforcer les capacités numériques de tous les acteurs culturels et la promotion de nouveaux talents à travers des outils et plateformes numériques.
  4. Favoriser l’éducation aux médias et la littératie numérique des citoyens et susciter l’intérêt des jeunes publics pour les contenus nationaux et locaux.
 
  • AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES
  1. Poursuivre et intensifier la coopération internationale entre les États et Gouvernements dans le but de mener des actions communes, dans l’esprit de la Convention de 2005, afin d’assurer la production, la diffusion et la découvrabilité de contenus locaux et nationaux sur les plateformes numériques.
  2. Favoriser la collaboration entre les divers acteurs et parties prenantes dans le but de promouvoir les échanges de bonnes pratiques en matière de découvrabilité de contenus francophones et de réduire les risques liés à la standardisation algorithmique de l’offre culturelle globale.
    Sur la base de ces observations et recommandations, un projet mobilisateur d’«appel à l’action» est lancé afin de recueillir les contributions et les signatures de tous les acteurs et usagers culturels francophones et francophiles.